Les traditions de Noël en Provence avec Mireille FOUQUE.

Mireille FOUQUE pouvez-vous dire quelle est l’origine du santon de Provence ?

L’origine du santon remonte à 1789. Les églises étaient alors fermées, on ne pouvait plus se rapprocher de la Nativité (Jésus, Marie, Joseph) pour Noël. En Provence, nous avons alors eu l’idée de fabriquer de petits saints (« santoun » en provençal, qui est devenu « santon ») pour mettre chez soi.
La coutume était que chaque personne se représentait, avec ses propres moyens, près de la Nativité, pour avoir la protection de l’Enfant Jésus : le boulanger fabriquait son personnage en mie, le menuisier en bois, etc
On plaçait tous les personnages qui nous étaient chers près de la Nativité : cette tradition est toujours respectée.
Le mot santon s’utilise normalement jusqu’en 1905, date de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Ensuite, les nouvelles pièces créées étaient appelées « figures contemporaines ». Mais elles sont devenues tellement courantes qu’on les a appelé de nos jours également « santons ».
Il y a une « hiérarchie » dans la crèche : on place d’abord tous les personnages qui nous sont chers, ensuite les personnages classiques de la pastorale Maurel * et enfin, les personnages que l’on retrouvait en Provence au siècle dernier.
Tout personnage peut être représenté en santon, du moment qu’il soit réalisé avec des matériaux anciens et qu’il ait une valeur sentimentale.

* Pastorale Maurel : cette pièce raconte le pèlerinage des provençaux vers Bethléem, qui pour l’occasion se situe au coeur d’un village de chez nous en Provence.

Qu’est-ce qu’une belle crèche ?
Une belle crèche est réalisée avec beaucoup d’amour, des éléments naturels (mousse, bois, pierre) et un peu de santons.

Venons en à la Maison Fouque, a-t-elle une particularité par rapport aux autres santonniers ?
Oui bien sûr. Nous sommes à la quatrième génération de santonnier. Mon grand-père, Jean-Baptiste Fouque, a fondé en 1934 la première foire aux santons d’Aix en Provence.
Mon père, Paul Fouque, a créé en 1952 le « Coup de Mistral », emblème de la maison. Non seulement ce personnage est l’emblème de la maison mais il véhicule un message fort de part sa position : il est courbé, lutte contre le mistral mais ne faiblit pas, il avance. Il montre qu’il faut aller de l’avant, lutter et ne pas fléchir. Nous avons de nombreux témoignages de personnes qui souhaitent avoir « le coup de mistral » pour ce qu’il représente. Ce modèle, considéré comme ayant révolutionné l’art du santon, fait également entrer cet art dans les musées et les grandes institutions. Il est aujourd’hui connu et collectionné dans le monde entier.
D’autre part, la grande particularité de la maison est notre collection de santons. C’est la plus grande collection connue à ce jour, tous modelés par un des membres de la famille Fouque.

Nous venons de parler du santon de Provence. Celui-ci représente un élément de l’ensemble des traditions provençales de Noel : pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces traditions ?

La saison des calendes commence le 4 décembre, jour de la Sainte Barbe. Elle se termine le 2 février, jour de la Chandeleur.
Le 4 décembre, la famille sort la crèche et commence à l’installer. On place alors tous les personnages, sauf la nativité et les rois mages.
Ce jour là, il faut planter également le blé qui sera coupé le 24 Décembre au soir pendant la veillée calendale le jour de Noel.
Les fêtes commencent par la cérémonie du « cachofio » (cache feu) : la personne la plus âgée, accompagnée de la personne la plus jeune, font trois fois le tour de la table en tenant une bûche d’arbre fruitier mort dans l’année. C’est la transmission de la tradition du plus âgé au plus jeune ensuite la bûche sera allumée par l’aïeul.
Puis Joseph et Marie seront placés dans l’étable.
Ensuite toute la famille passe à table.
La table se compose ainsi : trois nappes les unes sur les autres pour représenter la nativité et trois bougies dans un bougeoir seront placées au centre de la table pour représenter la Trinité (Le Père, le Fils et le Saint-Esprit). A côté de chaque verre, un santon sera posé représentant la personne qui occupera cette place.
Le repas du 24 au soir est un repas « maigre » composé de sept plats (représentant les 7 plaies de Jésus), et 13 desserts (représentant Jésus et les 12 apôtres). Ce sont toujours des desserts simples et peu couteux avec notamment :

  • 4 mendiants (noix, amandes, figues et noisettes qui représentent les 4 ordres que sont les Augustins, les Franciscains, les Dominicains et les Carmes) ;
  • 3 fruits que l’on ne trouve pas en Provence, qui sont amenés par les Rois Mages (oranges, mandarines et dattes)
  • 1 pompe à huile d’olive,
  • 1 spécialité de sa ville (Calisson pour Aix en Provence, Nougat pour Montélimar, Melon pour cavaillon, etc…)
  • nougats
  • pommes
  • poires,
  • 1 melon (ramassé fin août et que l’on garde depuis dans la paille) appelé en Provence Vert d’eau,

Après les 13 desserts, certains vont à la messe de Minuit selon leurs possibilités.
Au retour, l’Enfant Jésus sera placé dans l’étable. Toute la famille chante des Noël Provençaux.
La tradition veut qu’il n’y ait pas de sapin de Noël en Provence (en raison de la sécheresse et du feu, il faudra couper une branche de pin, celle qui touche la maison). Une fois la branche coupée, elle sera ornée de rubans aux couleurs de sa ville.
Le 25 décembre au matin, les enfants découvrent leurs cadeaux, près de cette branche.
Pour le déjeuner il y aura encore deux nappes puis une seule pour le repas du soir.
Pour le repas de midi, il y aura généralement un canard, un poulet ou une pintade et le reste des 13 desserts de la veille.
Le 26 décembre, il n’y aura plus du tout de nappe. C’est la journée de l’humilité et de la simplicité.
Les Rois Mages arrivent le 6 janvier, à partir de cette date on commence alors les veillées : elles ont lieu entre 20h et 22h30. Celui qui a eu la fève va apporter le vin cuit et celui qui a eu le sujet apportera la galette des rois. Le but est de voir la crèche de chacun. Cette coutume se fera jusqu’à la chandeleur, le 2 février, date à laquelle les santons retourneront dans leur boîte en carton.

Est-ce que vous, en temps que « porteur » d’une de ces traditions, vous vous appliquez à la transmettre autour de vous ? Si oui, de quelles façons ?

Oui tout à fait. Déjà j’anime de nombreuses conférences sur ces traditions partout à travers le monde. Je suis passionnée de faire connaître ces traditions tant aux adultes qu’aux enfants.
Nous réalisons également dans notre Maison d’Aix-en-Provence des expositions thématiques très intéressantes pour les petits et les grands (Exposition « Noël en Provence » chaque année d’octobre à avril, avec la table des 13 desserts grandeur réelle, la grande crèche provençale en perspective, les personnages en costumes d’époque… et exposition « Un été en Provence » d’avril à fin septembre reconstituant les scènes typiques de la vie en Provence).
Elles leur permettent de découvrir ces traditions. Dans ce monde difficile où nous vivons, c’est un endroit où l’on peut venir gratuitement pour voir tout cela et y rester même une demi-journée .

La Maison Fouque en quelques chiffres :

    • Nombre de pièces fabriquées chaque année : 20 000 en 6 cm, 10 000 en 9 cm environ
    • Origines principales des ventes : Provence, Paris, Strasbourg, Etats-Unis, Allemagne, etc.. ;
    • Personnage le plus vendu : le coup de mistral et les personnages de la nativité
    • Lieux de vente : siège de la société (cours Gambetta à Aix en Provence), foire aux santons d’Aix en Provence, dans le 15ème arrondissement de Paris, sur le site internet,
Rendez-vous à la Boutique de Noël des Santons Fouque
au 15 rue Plumet 75015 Paris
du 1er au 30 décembre 2018

Lundi au samedi, 11h à 19h / dimanches et jours fériés, 11h à 17h / les 24 et 30 décembre, de 11h à 16h

    • Lieux d’exposition : Cours Gambetta à Aix en Provence et  15 rue Plumet Paris

Interview réactualisé le 09/12/18

À propos de admin

Maman de 3 enfants Sophie reprend le flambeau de Juliette pour vous confier ses bons plans vacances en famille et escapades avec des enfants.